On parvient à Saint-Auban, depuis les gorges de la Rochette, en arrivant par la RD 546. Depuis le sud, la silhouette du village est marqué par l’église (XIXe siècle) et à l’est de celle-ci par l’ancien château seigneurial de la famille Pape-Saint-Auban. La premier bâtiment du village est le temple, construit à l’ouest de l’éperon rocheux qui a été entaillé pour laisser passer la route. On domine alors le confluent de l’Ouvèze et du Charuis.
Le village compte une communauté protestante dynamique, en lien avec celle de Sainte-Euphémie, à quelques kilomètres de là. En 1851, on compte à Saint-Auban encore 131 protestants pour 386 catholiques. Le temple (reconstruit en 1837) est rénové par la commune en 2017 comme bien communal (cédé depuis 1905 pour usage religieux à la communauté protestante). On trouve aussi un ancien cimetière protestant qui a servi aux inhumations entre les années 1930 et 1992. Les sépultures plus anciennes restaient anonymes dans les propriétés des familles. Pendant la période de la révocation (1685-1787), l’enterrement ayant lieu à la tombée de la nuit en présence d’un officier de justice, sans transcription dans les registres (catholiques).
Le village a été fortifié par une enceinte construite à la fin du XIVe siècle, dont il reste notamment une porte, au nord, appelée « porte basse ». Il est dominé, depuis le XIIIe siècle, par un ou plusieurs châteaux seigneuriaux dont il reste d’imposants vestiges. On compte désormais trois tours demi-rondes et deux tours carrées de défense. Les tours rondes furent certainement construites au XVIe siècle lorsque les différents habitats seigneuriaux furent rassemblés au sein d’un seul château par la famille Pape Saint-Auban. A la Révolution, le château est démantelé. Il appartient désormais à différents propriétaires.
On compte à Saint-Auban quatre familles illustres, toutes en relation avec cette tradition réformée :
* Les Pape furent d’abord juristes. Le plus célèbre d’entre eux, Guy Pape, vécut au XVe siècle et acquis la seigneurie de Saint-Auban. Ses descendants, à commencer par Gaspard Pape dit Saint-Auban, adhérèrent très tôt à la Réforme et participèrent comme militaires aux guerres de religion (1562-1598). Saint-Auban devint ainsi un des bastions protestants des Baronnies avec Nyons, Montbrun, Orpierre ou Trescléoux. Pendant la période d’application de l’Edit de Nantes (1598-1685), en l’absence de temple au village, le culte protestant est assuré dans le château seigneurial. Au moment de la Révocation, un de ses descendants, parvient à s’exiler et sera au service de Guillaume d’Orange (devenu gouverneur de la Hollande puis, pour finir, roi d’Angleterre). Une descendante de la famille offrira à la Mairie de Saint-Auban le blason de la famille des Pape.
* La demeure de la famille de François-Hector d’Albert De Rioms (1728-1802), un des principaux commandant de la flotte française qui se battit pour l’indépendance des États-Unis d’Amérique, a accueilli un temps la mairie et l’école de Saint-Auban. Actuellement affectée pour une partie comme appartement de service des enseignants (avec ses remarquables boiseries et stucs), la maison des De Rioms offre également un nouveau logis pour une famille d’immigrés qui avec l’aide de la mairie et d’un comité de soutien, a commencé son intégration. Les d’Albert de Rioms, catholiques , possèdent un enfeu à l’église. Cependant le second prénom de François : Hector, marque sa parenté avec son oncle Hector De Lachau, solide protestant d’une famille de notaires contraints à l’abjuration et dont deux membres, Claire et André, réussirent à se réfugier à Genève vers 1703. Henri, apparemment pas très bon converti, se voit encore en 1748 retirer la charge de notaire qui reviendra finalement à son fils. La famille aura même un ecclésiastique qui décidera de se faire enterrer à Saint- Jean d’Acre.
* La maison des De Lachau, est une maison privée au cœur du village. L’escalier majestueux avec ferronneries remarquables et ses boiseries provençales du XVIII ème (semblables à celles des maisons D’Albert de Rioms ou des Besson du Pouzet) rappelle que ces familles de notaires avaient du bien. Effectivement tous les actes qui ne pouvaient être documentés par les registres catholiques se passaient devant notaire (Contacts de mariages, dots, acquisitions, ventes etc.) Il y avait 6 notaires à Saint Auban ! Les De Lachau aussi étaient notaires et protestants depuis le XVème. Contraints à abjurer leur foi protestante en 1685, très surveillés, ils deviendront de bons catholiques à la génération suivante. Leur rôle dans la vie publique reste intense. Leur action pour le développement du village, pour la création de la route principale (qui traverse leur propriété) et désenclave le village est décisive. A Felix De Lachau, on doit en particulier l’adduction de l’eau en deux points du village et le renouvellement des jours de foire. Les descendants de la famille (Famille Merlier et apparentés) sont membres de l’association locale « La Photo à Saint-Auban » dont le but est la connaissance et la conservation du patrimoine.
Des milliers de protestants sont partis pour Genève ou plus au nord, à commencer par la famille Fort dont les descendants allèrent jusqu’en Lettonie.
* Les Fort : Un inventaire des maisons de Saint Auban en 1830 donne, juxtaposée à la maison De Lachau, la maison de François Fort, Cafetier et comme il est précisé : Calviniste.
Là encore, un Daniel Fort, ancêtre au 15eme siècle avait été notaire. Nous possédons, par la famille Auschitzky de Bordeaux et de La Flèche, une généalogie complète des Fort depuis leur exil, après l’abjuration contrainte exigée à Saint-Auban sous la pression des dragons, la troupe d’intervention crée par Louis XIV pour occuper les maisons des protestants et surveiller les « NC » nouveaux convertis qui avaient dû signer une abjuration entre octobre et décembre 1685 suite à la Révocation de l’Edit de Nantes. Mais les familles les plus nanties ne pensaient qu’à partir, dès que les enfants en bas âge pouvaient marcher. Pierre Fort émigre à Berlin en 1703, son fils Jacques y meurt. Ils sont 6000 huguenots français, formant une ville dans la ville, avec de nombreuses institutions et privilège. Le petit-fils, Daniel, doué pour les études devient pasteur. Il est envoyé en poste à Königsberg (600km à l’Est, dans la Prusse orientale, juste passée sous domination Russe). Daniel Fort est professeur de théologie. Un de ses étudiants, M. Auschitzky, venu de Lettonie, se marie avec sa fille Marianne Fort. Leur fils ainé Karl/ Charles devient assureur de bateaux et arrive à Bordeaux où il se marie en 1827 avec une catholique. Lui sera enterré protestant, mais le reste de la famille est bien catholique quoiqu’habitant le quartier très protestant des Chartrons où prospère le commerce du vin avec les pays du nord.
Sources : Colette Kleemann - Livret sur Saint-Auban sur l’Ouvèze (à l’usage des randonneurs ) et Alexandre Vernin - PNR des Baronnies Provençales
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